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author Fabien Ninoles <fabien@tzone.org>
Sat, 05 Feb 2011 12:37:29 -0500
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<story id="jardin" lang="fr">
  <docinfo>
    <title>Le jardin du peintre</title>
    <author>
      <firstname>Fabien</firstname>
      <surname>Niñoles</surname>
      <email>fabien@tzone.org</email>
    </author>
    <copyright>
      <year>1995</year>
    </copyright>
  </docinfo>
  <title>Le jardin du peintre</title>
  <nda>
    <para>J'ai écrit ce court texte par un bel après-midi d'été dans un
      parc sur la rue Mont-Royal.  C'était lors d'une fête de quartier
      et une école de peinture était venue s'y installer histoire d'en
      apprécier la <emphasis>lumière</emphasis>.</para>

    <para>Tous ceux qui ont lu cette histoire avaient une idée
      différente du personnage narrateur après le premier paragraphe.
      Et vous, <ulink url="mailto:fabien@tzone.org">quelle
      est-elle?</ulink></para>
  </nda>

  <para>Un brin d'herbe verte me chatouillait le nez.  Hérissés sur la
    terre dure, ses semblables se laissaient balancer par le vent
    avant d'être écrasés par les pas d'un passant.</para>

  <para>Ce dernier déploya son chevalet sur ses trois pieds et ouvrit
    une petite mallette.  Il vérifia si tout y était de l'air grave
    d'un homme de science penché sur ses instruments.</para>

  <para>Il revint, transportant une toile précieusement emballée de
    tissu blanc.  Il déposa son paquet à même le sol et le déballa
    avec précaution pour le poser sur son chevalet.  Puis,
    contrairement à ce qu'on pourrait s'attendre, l'homme s'assit dos
    à celui-ci et, fixant le paysage qu'il allait peindre,
    attendit.</para>

  <para>Ça faisait déjà plusieurs années qu'il venait à ce même
    endroit travailler sur cette même toile.  Il s'asseyait toujours
    ainsi, ses bras enlaçant ses jambes repliées contre son torse, les
    pieds croisés.  Je pouvais facilement m'imaginer ce qu'il
    cherchait: la lumière... la vraie lumière.  Celle qu'il avait vue
    la première fois qu'il était passé par ce parc.  Depuis, il avait
    troqué ses verres fumés, qui l'empêchaient de voir les couleurs du
    ciel, pour un vieux chapeau de toile protégeant son crâne à la
    calvitie maintenant bien avancée.</para>

  <para>Le soleil baissait et dans son visage, je pouvais presque lire
    les souvenirs qu'il invoquait pour lui-même.  Sa lumière, il
    l'avait tant cherchée les premières fois, tentant vainement de
    retrouver les couleurs exactes de son souvenir.  Puis, il avait
    fini par comprendre le temps qui semblait dévorer son trésor
    précieux.  Il avait compris qu'il cherchait quelque chose qui ne
    reviendrait plus, tout comme sa jeunesse et ses cheveux perdus, et
    que jamais il ne reverrait cette merveilleuse journée.</para>

  <para>On aurait pu croire cet homme triste et son regard bleuie de
    nostalgie lorsqu'il regardait ainsi la réalité superposée à ses
    rêves.  Il l'avait d'ailleurs sûrement été au début lorsque ses
    souvenirs commençaient à s'estomper comme une toile vieillissant
    sous le soleil du temps.  Des larmes de colère et de peine avaient
    dû couler de ses yeux sur son coeur.  Il aurait alors voulu tout
    brûler et ne jamais revenir.  Mais le jardin des souvenirs se
    remplit de mauvaises herbes lorsqu'il est maltraité.  Au jardinier
    qui n'en prend pas soin, qui ne retourne pas sa terre au
    printemps, qui ne fait pas ses semis ou n'installe pas de tuteurs
    aux plants qui en ont besoin, le jardin meurt.  À celui qui ne
    nourrit pas son jardin, qui ne l'arrose pas les jours où le temps
    lui refuse sa pluie, la plus prometteuse des terres s'assèche et
    devient désert où plus rien ne pousse.</para>

  <para>Par chance, l'homme avait finit par comprendre la soif de son
    jardin.  C'est pourquoi il venait ici à tous les jours, attendant
    patiemment et se laissant imprégner de la couleur du jour
    finissant.  Il y oubliait ses troubles et sa rancoeur pour enfin
    se lever et rajouter une nouvelle teinte, un nouveau ciel à sa
    toile.</para>

  <para>Il peignit alors que le jour descendait.  S'il peignait un
    rayon de soleil, c'est que sa journée s'était bien passée.  S'il
    peignait un peu de pluie, c'est qu'il nourrissait son jardin: la
    terre qu'il avait bien traitée allait absorber son chagrin et
    faire pousser pensées et sagesses.  L'homme ne craignait plus ni
    la pluie ni le beau temps.  Il les avait apprivoisés.</para>

  <para>Le soleil avait pris une teinte sombre.  Bientôt, la nuit
    endormirait nos sens.  Déjà, l'homme nettoyait ses pinceaux.
    M'appuyant sur un coude, je lui souris.  Il se tourna vers moi,
    rayonnant et heureux.  Avant même de voir la toile, je savais que
    la pluie qui était tombé ce matin avait laisser sa place à ce beau
    coucher de soleil.  Je me levai et partis l'aider à serrer sa
    toile.  J'aimais cet homme, il était mon mari.  Nous nous étions
    croisés dans ce parc il y a longtemps déjà et, chaque jour depuis,
    nous nous y sommes retrouvés pour s'apprivoiser.  Aujourd'hui,
    prenant soin d'un jardin mûrissant, nous étions deux sur sa toile
    où la peinture fraîche se mêlait aux vieilles couleurs.</para>

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