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author fabien
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<story id="dorsey" lang="fr">
  <docinfo>
    <title>La mort de Michael Dorsey</title>
    <author>
      <firstname>Fabien</firstname>
      <surname>Niñoles</surname>
      <email>fabien@tzone.org</email>
    </author>
    <copyright>
      <year>1993</year>
    </copyright>
  </docinfo>
  <title>La mort de Michael Dorsey</title>
  <nda>
    <para>Une de mes premières nouvelles absolument complète.  Je l'ai
      écrite la première fois à ma deuxième année du secondaire.  Je
      l'ai corrigé plus tard, suite à la mort d'un de mes oncles,
      premier contact que j'avais avec cette petite soeur de la Vie.
      <emphasis role="title">La mort de Michael Dorsey</emphasis> ne
      se veut toutefois pas une nouvelle sur la mort elle-même.  C'est
      plutôt une introduction, une invitation à l'introspection ou
      quelque chose dans le genre.  L'année suivant la première
      version, j'écrivais la suite dans le conte <emphasis>La Quête de
      l'Identité</emphasis> (à paraître).</para>
  </nda>

  <para>La brise fraîche et humide me caressait doucement la peau. Je
    ralentis ma course, tranquillement pour enfin m'arrêtai,
    légèrement essoufflé en m'appuyant sur mon bâton de marche. Je
    respirai l'air frais du matin sur les landes, me laissant envahir
    par la douce senteur de l'herbe verte et des feuilles de chêne
    puis je me remis en route d'un pas plus solennel. Bientôt,
    j'entrai dans le cercle de vieux chênes qui couronnait la colline,
    étouffés par le gui comme par une vieille barbe millénaire, et je
    pus observer le titanesque dolmen et ses mégalithes d'un autre
    âge.  Comment fut-il construit?  Comment ces lourds morceaux de
    pierre arrachés à on ne sait quelle montagne lointaine y furent
    emmenés?  Nulle légende ni logique historique n'a jamais pu
    l'expliquer avec satisfaction.  En fait, une seule légende parle
    de ce lieu, trace effacée d'un passé révolu que seule la tradition
    orale en a gardé quelques échos.  Elle raconte que ce lieu avait
    réuni les derniers druides une ultime fois avant leur massacre par
    l'armée impériale de Rome. Les chênes qui y ont poussé seraient
    donc les gardiens des derniers secrets druidiques et le dolmen, le
    tombeau de leur savoir.  Peut-être est-ce à cause de cette
    légendaire sagesse que les pèlerins venaient y trouver le repos?
    Ce que je sais, toutefois, c'est que sa vue me réconforta.
    J'avais beau considérer le Canada comme mon pays, avec ses grandes
    montagnes, ses rivières tumultueuses, ses plaines immenses et son
    grand silence blanc et froid, je venais souvent ici, sur la terre
    de mes ancêtres chercher quelques choses en moi, une partie de mes
    racines.  J'y venais tant pour soulager mon coeur de peines trop
    lourdes, comme aujourd'hui, mais aussi pour me détendre et goûter
    le bien-être que me procure l'air frisquet des collines habilement
    mêlé par Mère Nature à l'air salin de la mer pour obtenir cet
    harmonieux mélange de force et de liberté à leur état le plus
    pur.</para>

  <para>Après avoir parcouru l'incroyable couronne de vieux chênes,
    enracinées dans la terre comme sur la tête d'un vieux roi trop
    sage pour mourir, mon regard se posa sur le dolmen.  Un léger
    sourire, bien qu'amer et triste, me vint aux lèvres en même temps
    que la nostalgie de vagues souvenirs me ramenait au jour de ma
    première rencontre avec cette région enchanteresse et ses
    chaleureux habitants.  Je n'avais alors que six ans.  Je m'étais
    égaré parmi les ombres de l'un des nombreux boisés touffus qui
    entouraient la colline.  À force de longues et effroyables
    errances, je m'était retrouvé en train de gravir la pente de cette
    colline, exactement comme je venais tout juste de le faire.  La
    vue des grands chênes répandant leurs ombres sur le sol ainsi que
    celle du dolmen rougi par le crépuscule apaisa en moi mes craintes
    et m'offrit le repos de sa protection comme il l'avait fait pour
    tant d'autres avant moi.  Traversant le cercle d'arbres, je me
    suis rendu sous le dolmen et m'endormis sous la grise assurance de
    sa pierre froide.  Mes yeux se fermèrent doucement sur la
    merveilleuse vision d'un ciel rouge s'éteignant tranquillement
    pour laisser sa place aux étoiles du firmament.</para>

  <para>Mon chemin me conduisit à travers les arbres majestueux
    jusqu'au dolmen habillé de sa robe verdoyante.  Une fois rendu, je
    fis un lent demi-tour contemplatif, admirant le paysage que
    m'offrait chaque porche entre les arbres. Je vis Roderick qui s'en
    venait d'un pas solitaire tout en regardant autour de lui les
    merveilles que la nature lui offrait.  Son visage était triste et
    nostalgique.  Sa vue me rappela durement le motif de ma venue,
    motif que je fuyais me semblait-il, tout en le vivant pleinement.
    J'en rougis d'une honte maladroite et je sentis un lourd poids
    retomber sur mon coeur.  J'avais oublié la mort de monsieur
    Dorsey, le père de Roderick.  Il était mort hier, dans la nuit,
    d'un simple arrêt du coeur, son âme l'ayant quitté sans bruit.
    C'était la simple mort d'un corps épuisé par la vie.  Roderick
    l'avait veillé toute la nuit, ce qui expliquait ses yeux sombres,
    eux qui étaient si clairs en temps normal.  Mais, même sans cela,
    je doute qu'ils auraient pu être clairs en ce jour funeste.  On
    venait de l'enterrer ce matin et nous étions venus ici faire un
    pèlerinage comme le voulait la coutume.  Ce lieu était béni, béni
    par tous.  Oui, béni par tous car, peu importe de quelle religion
    on était issu, on y ressentait toujours un calme et un réconfort
    que l'on pouvait qualifier de divin.  Monsieur Dorsey disait
    souvent que ce lieu était <emphasis>béni des hommes</emphasis> car
    peu importait le reste en ce lieu.  Et maintenant, c'était moi
    qu'il réconfortait de la tristesse qui m'envahissait.</para>

  <para>C'était Roderick qui m'avait trouvé, endormi, sous le dolmen.  Il
    avait douze ans alors.  On ne se comprenait pas (lui parlait
    l'anglais et moi le français) mais il a dû déduire que j'étais
    perdu et m'emmena chez son père.  Je me rappelle encore des folles
    galopades où j'essayais bien en vain de me tenir en selle sur le
    dos de son chien ainsi que de nos éclaboussures à la fontaine
    alors qu'on était sur le chemin de la maison.  Une fois arrivé, je
    pus admirer la simple beauté du site.  Une petite maison à un seul
    plancher avec à ses cotés, un joli petit jardin florissant.  Un
    peu plus loin se trouvait une bergerie et un grand enclos où
    paîtraient paisiblement un petit troupeau de moutons.  Tout cela
    était tenu dans un ordre impeccable.  Puis nous sommes entrés chez
    lui où je rencontrai son père, Michael Dorsey.  Ce grand homme aux
    yeux foncés et à la peau rude portait encore le deuil de sa femme
    même si cela faisait plus de six ans qu'elle était morte.  Pour
    lui, elle méritait beaucoup plus et elle devait avoir sa fidélité
    jusqu'à sa mort.</para>

  <para>Mis à part lorsqu'on parlait de sa femme, monsieur Dorsey
    était un homme sympathique et souriant aux multiples talents.
    C'était un merveilleux ébéniste et c'est lui qui avait sculpté le
    magnifique bâton de que je serrais fort entre mes mains.  Il
    connaissait aussi bien des légendes et se plaisait à les raconter
    à qui voulait bien les entendre.  C'est donc ce qu'il fit après
    avoir envoyé son fils au village chercher mes parents.  Monsieur
    Dorsey savait parler ma langue quoiqu'avec un fort accent et, je
    m'en aperçu que beaucoup plus tard, un certains manque
    d'idiotismes.  Il l'avait appris de sa femme, Normande qui avait
    traversé la Manche avec sa famille et y était restée pour vivre
    avec ce bel homme.  Pourtant, cette lacune ne faisait qu'embellir
    ces récits d'une couleur bien saxonne due à la traduction mot à
    mot des expressions.  J'adorais l'écouter.  Toute l'émotion qu'il
    savait y mettre, tous les détails qu'il décrivait rendait au récit
    une apparence de réalité fantastique.  On se serait souvent crû en
    train d'écouter le récit d'un aventurier perdu, ou peut-être celui
    d'un mage ayant soulevé le voile d'un lointain passé oublié
    depuis.  Ce savoir qu'il avait reçu de son père et qu'ils se
    transmettaient de génération en génération était un héritage de
    grande valeur comme peu il en reste sur notre Terre.  C'est pour
    cela que Roderick mettait par écrit tout ce qu'il avait appris de
    son père car il lui était impossible d'avoir des héritiers.
    Parfois, je dactylographiais les brouillons qu'il m'envoyait,
    laissant résonner les images de ces légendes fabuleuses.  Ma
    famille vint me chercher dans l'après-midi et monsieur Dorsey en
    profita pour leur démontrer un autre de ses talents.  Le goût de
    l'agneau qu'il servit à ma famille pour souper me manquera
    beaucoup.</para>

  <para>L'évocation de ces délicieux souvenirs me firent venir ;es
    larmes aux yeux.  Je remarquai les même larmes mais pleines d'une
    horrible douleur dans les yeux de Roderick.  Il avait traversé le
    cercle d'arbres et s'était accroupi près du dolmen en marmonnant
    une prière.  Roderick, tout comme moi, était chrétien.  Pourtant,
    il préférait prier près du dolmen que face à un crucifix.  Il
    disait, reprenant en cela les enseignements de son père, que Dieu
    ne lui en voudrait pas car ses prières sincères et que le dolmen
    représentait le tombeau du Christ pour lui.  Je me recueilli
    auprès de lui et priai moi aussi pour le cher défunt.  Même le
    ciel semblait s'être mis en deuil tellement il était gris et
    terne.  C'était comme si le soleil avait perdu l'un de ses rayons
    et s'était caché pour mieux pleurer.</para>

  <para>On commença à s'installer pour la nuit.  Nous l'avions décidé
    d'un commun accord, même le mauvais temps n'allait pas nous
    empêcher de veiller celui que l'on a tant chéri et qui nous a tant
    aimés. On s'enveloppa dans de chaudes couvertures.  J'admirais la
    volonté dont faisait preuve Roderick à veiller son père sans repos
    depuis deux jours alors que moi, je commençais déjà à sentir
    l'emprise du sommeil sur mon esprit.  Je n'avais guère de choses à
    dire et Roderick semblait être de l'avis à garder le silence toute
    la veillée.  Je ravalai donc les mots que j'allais dire et
    soulevai mon bâton à la hauteur de mes yeux.  Les différents
    reliefs représentaient pratiquement toute la mythologie des vieux
    pays: sirènes, sylphides, elfes et nains y peuplaient les forêts,
    les mers et les montagnes.  Des dragons et des chevaux ailés s'y
    battaient aux cotés des anciens symboles druidiques et normands du
    Chêne, des Éclairs et de la Lune.  Une splendide licorne, de façon
    plus récente, y trônait au sommet d'une montagne.  Une tige de
    bronze passait sur toute la longueur du bâton.  On ne la voyait
    qu'aux extrémités où elles formaient des bas reliefs: Celui du bas
    semblait représenter des flammes et celui du haut, le soleil au
    midi d'un été.  Je ne remarquai aucune présence de l'être humain
    parmi ces motifs.  Quoiqu'il en fût, ce bâton avait une grande
    valeur culturelle et qu'il me soit donné me fut un grand honneur.
    Sa famille se l'était transmise depuis plusieurs siècles et chacun
    en faisait une petite partie.  Ce fut Michael qui finit l'ouvrage
    par la licorne.  Il l'avait sablé puis avait demandé à Roderick de
    le vernir à l'aide de résine.  Comment le bois avait-il pu tenir
    si longtemps, même Roderick l'ignorait.  Et pourquoi me fut-il
    donné à moi?  Je l'ignore mais Roderick pense qu'il devait y avoir
    une raison précise et qu'il n'y avait que moi pour le recevoir une
    fois terminé.  J'allais à nouveau questionner Roderick à ce sujet
    mais la fatigue se posa sur mes paupières et je m'endormis
    tranquillement, alors que le jour laissait sa place à la nuit et
    qu'une faible pluie s'était mise à tomber, nous brouillant la vue
    du monde qui nous entourait.</para>
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