Article: Le LNS et d’autres sujets de théorie rôliste
Sous-Titre: Chapitre un: l'Exploration et la Prémisse
Auteur: Ron Edwards
Année: 2001
Article original: GNS and Other Matters of Role-playing Theory
Bon, voilà un gros morceau. Tout le monde ou à peu près a entendu parlé du LNS (GNS) ou d'un de ces cousins/ancêtres comme le Threefold Model (GDS). C'est un incontournable de la théorie rôlistique et aujourd'hui, après plus de 5 ans d'existence, le LNS est probablement le modèle le plus utilisé et respecté de toute la théorie.
M'attaquer à cet article va représenter un grand défi fort intéressant. La matière est dense et absconse et a soulevé par le passé de nombreuses polémiques. Avant l'intervention de Christoph et son insistance pour que je lise les articles successeurs concernant chacun des aspects du LNS, j'étais même plutôt complètement en désaccord avec ce dernier. Je reste en désaccord sur certains aspects mais beaucoup moins qu'avant. Je ferai donc ma critique en deux parties: la première tentera de résumer ce que je comprends du chapitre en question en le résumant brièvement et en relevant les points que je trouve important, et la deuxième exposera mon opinion plus personnelle. Je respecte énormément Ron Edwards comme auteur et éditorialiste et son article mériterait que je sépare complètement ma critique de mes opinions. Mais le sujet était très chaud à mon coeur, je ne crois pouvoir faire une critique libre de ce type de biais et préfère rester ouvert à ce parti pris.
Donc voilà. L'introduction présente cet article comme étant le point de vue personnelle de Ron sur un sujet: « fournir un vocabulaire et une vision d'ensemble qui permettent aux gens d'exprimer ce qu'ils veulent et apprécient dans cette activité, de comprendre ce qu'ils doivent chercher aussi bien dans les joueurs que dans les jeux s'ils veulent atteindre leurs objectifs. » Selon lui, son article ne s'adresse pas aux gens qui sont satisfaits de leurs façons de jouer et ne présente qu'une vision personnelle.
Le chapitre 1 de l'article parle de deux éléments de base du jeu de rôle selon Ron Edwards, soit l'Exploration et la Prémisse. La première est consitituée de 5 parties, soit le Personnage, le Système, l'Univers, la Situation et la Couleur. L'exploration, c'est donc l'attention portée à ces éléments et, nous dit-il, cela résume en bonne partie l'expérience que l'on fait du jeu de rôle.
La façon dont j'ai compris la Prémisse est qu'elle constitue en quelque sorte le thème de ce qui sera exploré, ce qui maintiendra l'intérêt de continuer l'exploration. Ron précise que ce n'est pas les éléments d'exploration eux-mêmes, qui constitueraient un cadre à la Prémisse, mais bien la raison pour laquelle on joue. C'est cette prémisse qui est au coeur du LNS, qui constitue l'objectif qui maintiendra leur intérêt. Lorsque la Prémisse ne sera plus soutenue, l'intérêt sera perdu et la partie deviendra insatisfaisante, voire frustrante.
Le chapitre 1 se termine sur une note de Ron sur les genres (ceux des jeux de rôle). Ron refuse de définir le genre car les genres sont sans cesse en évolution. Leur valeur informative est donc limitée car ce qu'un genre définit pour une personne peut largement différée pour une autre. Et plus on ajoute des gens, plus cette définition est vague. Lorsqu'on parle de genre à l'auteur, celui-ci doit demander quelques précisions et c'est seulement après avoir identifié les différents éléments d'exploration (en particulier le Système) qu'une Prémisse initiale peut être identifiée.
Ma critique
L'introduction et le premier chapitre établit clairement la position de Ron sur le sujet. J'apprécie beaucoup certaines notes sur l'importance que ce soit sa vision personnelle et sur ce qui constitue une bonne critique de son article. En particulier, Ron écarte du coup ceux qui sont satisfait de leur façon de jouer, admettant implicitement qu'il existe d'autres façons de jouer qui peuvent être satisfaisante pour certaines personnes. Déjà là, je ne peux que louer cette position. Hélas, j'aurais aimé la voir se refléter ailleurs dans l'article ce qui n'est pas toujours le cas (particulièrement dans les derniers chapitres) comme on le verra.
Sa définition du jeu de rôle comme une Exploration de cinq éléments fondamentaux est fort intéressante aussi. Le choix s'avère pratique dans la plupart des cas mais j'aurais aimé y retrouver la raison de ces choix, particulièrement que ces éléments ont une importance souvent inégales et fort variables d'un jeu à l'autre, voire dans le jeu de rôle lui-même. Ron pousse un peu plus loin sa définition dans un autre article mais elle me semble encore insatisfaisante. Particulièrement, les cinq éléments ne sont pas représentés également dans le jeu: la Situation étant souvent centrale à l'Exploration (c'est ce dont on parle), on ne peut toutefois rarement en parler sans faire intervenir les Personnages et l'Univers, le Système fait bouger tous ces éléments entre eux (c'est ce que l'on fait) et la Couleur étant une sorte de pervasion qui envahit tout le reste tout en restant impossible à isoler. À mon avis, cela cache une certaine organisation que la disposition en cinq éléments regroupés ne met pas assez en valeur. De plus, la notion de Système comme élément imaginé (puisqu'il définit l'Exploration comme étant l'attention accordée aux éléments imaginés) laisse plutôt à désirer.
Remarquez, je n'ai aucun problème à considérer le Système comme un élément d'Exploration; c'est plutôt à la notion d'Exploration que je m'attaque. Pour moi, l'attention ne suffit pas. L'imagination non plus. Pour qu'il y ait exploration, il faut considérer l'expérience en elle-même, la découverte, ainsi que la liberté d'essayer. C'est à travers les possibilités des interactions entre les cinq éléments (ou tout autre regroupement que ce soit) que se situe selon moi cette partie importante du jeu de rôle. Bref, cette partie là manque une certaine articulation au niveau de la notion d'Exploration qui mériterait d'être précisé (peut-être l'a-t-elle déjà été, je ne sais pas).
La Prémisse est centrale dans le LNS et je tends à être d'accord avec cette première définition. La reconnaissance de ce qui retient l'intérêt en cours de partie est bien le meilleur moyen d'atteindre la satisfaction et beaucoup de frustrations seraient évitées si cet intérêt était rapidement identifié et reconnu par le groupe. C'est hélas une des choses souvent les plus difficiles à faire, que ce soit en jeu de rôle ou dans la vie de tous les jours. J'y reviendrai à ma critique du chapitre 2 où le rôle de la Prémisse (des Prémisses en fait) sera plus développé.
Finalement, j'apprécie la prudence dont Ron fait preuve en refusant d'utiliser la notion vague de genre pour définir le jeu de rôle. Toutefois, le remplacement par mode ou par agenda créatif ne différe que par l'usage plus modeste de ces termes, leur passé historique moins lourd. C'est vraiment parce que la notion de genre fût usée et abusée durant des années, sans jamais être clairement défini que genre s'avère difficile à employer. C'est pourquoi je ne considère pas la notion de genre comme complètement perdu mais plutôt comme une notion qui reste à définir afin d'être davantage développé. Tout comme la notion d'espèce en taxonomie, je ne crois pas que son aspect évolutif et les vagueries de représentant mutant la rende nécessairement moins utile; au contraire, elle permettra juste, à mon avis, de mieux percevoir les possibilités des différents genres et des nouveaux jeux de rôle situés à la bordure de ces genres.
Note: Critique parue sur jeuderôlogie