[critique]: Le LNS et d'autres sujets de théorie rôliste - Chapitre 2

[2006-04-21 21:05:44]

Article: Le LNS et d'autres sujets de théorie rôliste

Sous-titre: chapitre 2 - LNS

Auteur: Ron Edwards

Parution originale: chapter 2 - GDS

Ici, c'est probablement l'un des chapitres avec lequel j'ai le plus de difficulté. Ron Edwards y définit la base de sa théorie, l'usage et les limitations et c'est là que je me perds le plus. On dirait que chaque conclusion à laquelle je tente d'arriver sur les éléments de ce chapitre me mène à une contradiction sur le contenu de l'article, au point que je n'arrive plus à conclure quoique ce soit à ce sujet et que je me demande au final à quoi peut bien servir le LNS. Actuellement, je trouve la théorie intéressante pour classifier certains objectifs que peuvent avoir les joueurs. Je la trouve toutefois trop générique ou limitative (ça dépend de l'interprétation qu'on en fait) pour pouvoir y tirer une quelconque conclusion ou aide, si ce n'est un point de départ demandant à être précisé, un peu comme de décider qu'on écrit un conte fantastique ou un roman policier. C'est un point de départ mais c'est généralement quelque chose de trivial à décider. C'est du moins ce que j'en comprends.

Le chapitre commence en déclinant ce que l'auteur tente de cerner, soit les objectifs (ou priorités) avec lesquelles les décisions sont prises en cours de partie. L'auteur les regroupe en trois type, soit le ludisme (caractérisé par la concurrence entre les participants), le simulationisme (caractérisé par la valorisation d'un ou plus des éléments explorés) et le narrativisme (caractérisé par la création d'une histoire au thème reconnaissable).

Vient ensuite un élément important: le LNS n'est pas une étiquette que l'on porte tout le temps. Dire d'un joueur qu'il est ludiste, c'est dire qu'il a «tendance à prendre des décisions en jeu selon des objectifs ludistes.» Dire d'un jeu qu'il est ludiste, c'est un raccourci pour dire que «Le contenu de ce JdR facilite la prise de décision et les préoccupations ludistes». Il n'est donc pas nécessaire de toujours prendre des décisions selon un point de vue ludique pour être ludiste. Toutefois, l'auteur précise ensuite que, pour une situation donnée, les trois Prémisses sont exclusives dans leur application. Autrement dit, on ne peut pas prétendre avoir pris une décision selon des préoccupations à la fois ludiques et narravistes. L'une des deux préoccupations doit avoir priorité sur l'autre car elles ne peuvent être au même niveau. La préoccupation secondaire est alors reconnue comme servant la préoccupation primaire. Une note de traduction fort utile définit ce qui est présentement compris comme une situation de jeu, soit un cycle complet de jeu et récompense. L'auteur continue en présentant qu'au cours d'une partie, la présence d'éléments de compétition, par exemple, ne sont pas nécessairement du Ludisme. C'est l'objectif primaire, inaltérable selon l'auteur, qui indique la Prémisse (maintenant appelée la Proposition Créative) principale.

Donc, dans un premier temps, on définit qu'une décision est prise selon une priorité donnée. Déjà là, je ne suis pas d'accord. Il arrive souvent qu'une décision soit prise en prenant en compte plusieurs objectifs et en choisissant le moindre mal (qui n'est pas si mauvais que ça nécessairement). Probablement qu'une des préoccupation sera plus élevée que les autres est sans doute vraie mais dire que les autres priorités n'ont pas eu leur part dans la décision est abusif à mon avis. Il doit arriver quand même assez souvent que la meilleure décision d'un point de vue strictement simulationniste par exemple soit abandonnée pour une autre qui respectent un peu mieux les préoccupations narrativistes (sans pour autant abandonner complètement les préoccupations simulationnistes).

Ensuite, on nous dit que ce n'est pas les décisions individuelles qui compte mais l'objectif global. La présence d'autres priorités en cours de jeu est perçue comme accessoire, venant supporter (de quelle façon?) l'objectif principal. Je me demande alors comment un jeu cohérent qui se définit une priorité principale peut en arriver à prendre des décisions qui mettent en place des priorités secondaires. Pour moi, la présence de ces préoccupations secondaires démontrent leur importance et il est, à mon avis, difficile de faire un jeu intéressant sans en tenir compte.

L'auteur continue son article en parlant de la forme concrète que prendra la Prémisse. C'est à cet endroit qu'on apprend l'élément à mon avis le plus important de la théorie: Selon l'auteur, pour jouer agréablement, les joueurs doivent au moins être prêt à focaliser sur une Prémisse partagée et la soutenir telle qu'elle est perçue par les autres. La Prémisse n'est plus un nom ou une image vague mais une question, un défi ou un thème stimulant. Toutefois, le ludisme et le narrativisme couvre chacun un large champ de variations, incluant des variations très différentes les unes des autres, faisant en sorte, par exemple, qu'un joueur ayant des préoccupations ludistes n'appréciera pas nécessairement tout type de partie ludiste. Le simulationniste, bien que différent, offre aussi un large choix de possibilités et la même remarque s'y applique aussi.

Autrement dit, on s'aperçoit que le choix d'une des trois propositions créatives ne constitue nullement une garantie de satisfaction, même si tous les éléments sont respectés. Seule l'acceptation d'une Prémisse commune partagée par tous semble permettre d'y arriver, du moins en ce qui concerne cet aspect du jeu de rôle (l'auteur précise ailleurs que ce n'est qu'une partie des aspects qui est couvert). Autrement dit, il ne sert actuellement à rien de savoir si le jeu, le groupe ou un joueur donné supporte ou se préoccupe d'objectifs narrativistes, ludistes ou simulationnistes. Seule la Prémisse primaire concrète compte et se doit d'être explicitée. La catégorisation en trois Propositions Créatives permet peut-être de mieux comprendre comment définir certains types de prémisses mais ne constitue nullement une information sensible, à mon avis. Qui plus est, la conclusion amenée au sujet de l'exclusivité d'une Proposition Créative sur les autres devraient en fait s'appliquer, si on accepte les arguments de cette conclusion, pour toute Prémisse, peu importe l'appartenance à une Proposition Créative.

Je continue à douter de la pertinence d'une telle approche. Si elle est effectivement possible et recommandable, elle limite beaucoup le jeu et fait peu de cas de l'intérêt personnel du joueur représenté par la prémisse initiale. Il faut toutefois faire attention ici: l'auteur précise, dans la discussion pointée par la note de traduction no. 1, qu'une proposition créative n'est que rarement spécifiée en tant que telle dans un groupe. Un processus d'encouragement positif/négatif est plutôt utilisé pour arriver à un consensus (probablement implicite) sur la Prémisse Primaire. Je trouve ça un peu risqué comme approche même si, comme l'auteur l'indique, c'est probablement plus simple que de parler des prémisses de façon abstraite. On peut toutefois concevoir que la Prémisse développée ainsi ne soit que le résultat concret de la négociation implicite des prémisses initiales des participants. Toutefois, en ce cas, les conclusions du modèle sont fausses: les décisions ne sont pas prise en fonction de la Prémisse Primaire mais bien en fonction des prémisses secondaires et l'impression de l'existence d'une Prémisse Primaire qui priorise l'ensemble des décisions ne serait due qu'à la commonalité de cette Prémisse virtuelle (créé par l'analyste de la situation de jeu) avec les prémisses initiales des joueurs. La Prémisse Primaire n'aurait donc pas une existence concrète mais serait simplement un outil d'analyse simplificateur.

L'article continue en prenant divers exemples de Prémisses de chaque mode. À la fin de la Prémisse Simulationniste, l'auteur pose la question de savoir si cette Prémisse existe vraiment: n'est-ce pas le sujet de tout jeu de rôle de porter son attention sur des éléments d'Exploration? Il suit alors une série d'exemples tentant de démontrer des éléments de partie présentant une prépondérance d'une Prémisse sur une autre.

Ces exemples semblent très parlant en eux-mêmes. Hélas, ils sont aussi fort sujets à l'interprétation. Il suffit parfois que de donner un point de vue différent pour obtenir une autre prémisse. Puisqu'on ne peut être dans la tête des joueurs, cet élément vient supporter qu'il est possible que la Prémisse Primaire ne serait qu'un concept abstrait inventé par l'observateur d'une situation de jeu. Quelques exemples:

L'usage de tables de probabilité pour la création du personnage est perçu comme du simulationnisme s'imposant au ludisme. Pourtant, la présence de hasard dans la distribution initiale des chances est souvent utilisé dans bon nombre de jeux de compétition, tels que la majorité des jeux de carte. La prise en compte du milieu d'origine du personnage peut aussi laisser place à une forme de stratégie, certain milieu d'origine étant mieux disposé pour certaine stratégie que d'autres.

De même, l'usage de la quantité d'or amassée pour déterminer la progression du personnage sur d'autres éléments (tels que les points de vie) n'est pas nécessairement une imposition d'une préoccupation ludiste au-dessus du simulationnisme. Cela peut aussi être justifié par une simplification de l'apprentissage du personnage vis à vis l'or gagné, en supposant que cet or n'a pas été gagné aisément (je doute qu'un bon MJ laisserait un personnage gagné des XP sur de l'or gagné à partir de l'achat d'un billet de loterie, que la préoccupation soit ludiste ou simulationniste).

Le passage suivant est une rant sur le terme «histoire» du même type que celle sur le «genre» dans le chapitre précédent. L'auteur y présente donc, dans le vocabulaire LNS, les nombreuses façons que l'expression «je joue l'histoire» peut être interprétée et reproche les nombreux torts que l'usage d'une telle terminologie a engendrés. Encore une fois, mon avis est que le terme histoire aurait aussi bien pu être défini tout comme l'auteur l'a fait pour l'ensemble des termes du vocabulaire LNS. Il y a probablement d'ailleurs eu autant de torts sinon plus fait avec le terme Ludisme ou Simulation et tout comme lui, on pourrait aisément dire que trois personnes qui prétendraient suivre une préoccupation ludiste ou narrativiste «vont aller au devant de gros ennuis.»

Finalement, dans la dernière partie, l'auteur énumère les nombreuses méprises liées au LNS, ce qui permet de mieux comprendre le LNS en précisant ce qu'il n'est pas. La principale erreur des gens, selon l'auteur, est la synecdocque, soit la confusion d'une partie avec le tout et vice-versa. C'est particulièrement répandu vers les tenants d'une forme particulière de jeu de rôle, qui n'admet que certaines formes de Prémisses (par exemple, que le Simulationnisme).

Personnellement, j'aurais préféré quelque chose plus de l'ordre du positif qui aurait permis de comprendre ce qu'est le LNS concrètement et comment il apparaît dans une partie, en dehors de ce qui se passe dans la tête des joueurs (puisque tel est le point de vue adopté en début de chapitre). Deux méprises retiennent aussi mon attention. La première est la suivante:

Croire que la fonction des termes est un moyen de classifier la création de JdR. Ils sont utilisés en relation avec la création de JdR, mais une fois de plus comme raccourcis: dire qu'un JdR est de « conception Narrativiste », par exemple, signifie en réalité « Le contenu de ce JdR facilite des parties Narrativistes ».

Je vois mal en quoi cela diffère d'une classification. Pourquoi serait-il interdit de classifier les jeux de rôle en fonction des préoccupations qu'ils facilitent?

L'autre est la plus importante à mon avis, et pourrait s'appliquer à tout écrit jeuderôlogique, que ce soit une critique, une discussion ou un questionnement:

Ne pas comprendre le but véritable des termes: permettre aux gens de prendre plus de plaisir quand ils font du jeu de rôle.

Si une personne ne comprend pas ça, elle n'aura non seulement pas compris la signification du LNS mais aussi celle de cette critique. :)

Note: Critique parue sur jeuderôlogie