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     2 <!DOCTYPE story PUBLIC "-//Fabien Ninoles//DTD Story XML V1.0//EN" 
       
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     4 <story id="jardin" lang="fr">
       
     5   <docinfo>
       
     6     <title>Le jardin du peintre</title>
       
     7     <author>
       
     8       <firstname>Fabien</firstname>
       
     9       <surname>Niñoles</surname>
       
    10       <email>fabien@tzone.org</email>
       
    11     </author>
       
    12     <copyright>
       
    13       <year>1995</year>
       
    14     </copyright>
       
    15   </docinfo>
       
    16   <title>Le jardin du peintre</title>
       
    17   <nda>
       
    18     <para>J'ai écrit ce court texte par un bel après-midi d'été dans un
       
    19       parc sur la rue Mont-Royal.  C'était lors d'une fête de quartier
       
    20       et une école de peinture était venue s'y installer histoire d'en
       
    21       apprécier la <emphasis>lumière</emphasis>.</para>
       
    22 
       
    23     <para>Tous ceux qui ont lu cette histoire avaient une idée
       
    24       différente du personnage narrateur après le premier paragraphe.
       
    25       Et vous, <ulink url="mailto:fabien@tzone.org">quelle
       
    26       est-elle?</ulink></para>
       
    27   </nda>
       
    28 
       
    29   <para>Un brin d'herbe verte me chatouillait le nez.  Hérissés sur la
       
    30     terre dure, ses semblables se laissaient balancer par le vent
       
    31     avant d'être écrasés par les pas d'un passant.</para>
       
    32 
       
    33   <para>Ce dernier déploya son chevalet sur ses trois pieds et ouvrit
       
    34     une petite mallette.  Il vérifia si tout y était de l'air grave
       
    35     d'un homme de science penché sur ses instruments.</para>
       
    36 
       
    37   <para>Il revint, transportant une toile précieusement emballée de
       
    38     tissu blanc.  Il déposa son paquet à même le sol et le déballa
       
    39     avec précaution pour le poser sur son chevalet.  Puis,
       
    40     contrairement à ce qu'on pourrait s'attendre, l'homme s'assit dos
       
    41     à celui-ci et, fixant le paysage qu'il allait peindre,
       
    42     attendit.</para>
       
    43 
       
    44   <para>Ça faisait déjà plusieurs années qu'il venait à ce même
       
    45     endroit travailler sur cette même toile.  Il s'asseyait toujours
       
    46     ainsi, ses bras enlaçant ses jambes repliées contre son torse, les
       
    47     pieds croisés.  Je pouvais facilement m'imaginer ce qu'il
       
    48     cherchait: la lumière... la vraie lumière.  Celle qu'il avait vue
       
    49     la première fois qu'il était passé par ce parc.  Depuis, il avait
       
    50     troqué ses verres fumés, qui l'empêchaient de voir les couleurs du
       
    51     ciel, pour un vieux chapeau de toile protégeant son crâne à la
       
    52     calvitie maintenant bien avancée.</para>
       
    53 
       
    54   <para>Le soleil baissait et dans son visage, je pouvais presque lire
       
    55     les souvenirs qu'il invoquait pour lui-même.  Sa lumière, il
       
    56     l'avait tant cherchée les premières fois, tentant vainement de
       
    57     retrouver les couleurs exactes de son souvenir.  Puis, il avait
       
    58     fini par comprendre le temps qui semblait dévorer son trésor
       
    59     précieux.  Il avait compris qu'il cherchait quelque chose qui ne
       
    60     reviendrait plus, tout comme sa jeunesse et ses cheveux perdus, et
       
    61     que jamais il ne reverrait cette merveilleuse journée.</para>
       
    62 
       
    63   <para>On aurait pu croire cet homme triste et son regard bleuie de
       
    64     nostalgie lorsqu'il regardait ainsi la réalité superposée à ses
       
    65     rêves.  Il l'avait d'ailleurs sûrement été au début lorsque ses
       
    66     souvenirs commençaient à s'estomper comme une toile vieillissant
       
    67     sous le soleil du temps.  Des larmes de colère et de peine avaient
       
    68     dû couler de ses yeux sur son coeur.  Il aurait alors voulu tout
       
    69     brûler et ne jamais revenir.  Mais le jardin des souvenirs se
       
    70     remplit de mauvaises herbes lorsqu'il est maltraité.  Au jardinier
       
    71     qui n'en prend pas soin, qui ne retourne pas sa terre au
       
    72     printemps, qui ne fait pas ses semis ou n'installe pas de tuteurs
       
    73     aux plants qui en ont besoin, le jardin meurt.  À celui qui ne
       
    74     nourrit pas son jardin, qui ne l'arrose pas les jours où le temps
       
    75     lui refuse sa pluie, la plus prometteuse des terres s'assèche et
       
    76     devient désert où plus rien ne pousse.</para>
       
    77 
       
    78   <para>Par chance, l'homme avait finit par comprendre la soif de son
       
    79     jardin.  C'est pourquoi il venait ici à tous les jours, attendant
       
    80     patiemment et se laissant imprégner de la couleur du jour
       
    81     finissant.  Il y oubliait ses troubles et sa rancoeur pour enfin
       
    82     se lever et rajouter une nouvelle teinte, un nouveau ciel à sa
       
    83     toile.</para>
       
    84 
       
    85   <para>Il peignit alors que le jour descendait.  S'il peignait un
       
    86     rayon de soleil, c'est que sa journée s'était bien passée.  S'il
       
    87     peignait un peu de pluie, c'est qu'il nourrissait son jardin: la
       
    88     terre qu'il avait bien traitée allait absorber son chagrin et
       
    89     faire pousser pensées et sagesses.  L'homme ne craignait plus ni
       
    90     la pluie ni le beau temps.  Il les avait apprivoisés.</para>
       
    91 
       
    92   <para>Le soleil avait pris une teinte sombre.  Bientôt, la nuit
       
    93     endormirait nos sens.  Déjà, l'homme nettoyait ses pinceaux.
       
    94     M'appuyant sur un coude, je lui souris.  Il se tourna vers moi,
       
    95     rayonnant et heureux.  Avant même de voir la toile, je savais que
       
    96     la pluie qui était tombé ce matin avait laisser sa place à ce beau
       
    97     coucher de soleil.  Je me levai et partis l'aider à serrer sa
       
    98     toile.  J'aimais cet homme, il était mon mari.  Nous nous étions
       
    99     croisés dans ce parc il y a longtemps déjà et, chaque jour depuis,
       
   100     nous nous y sommes retrouvés pour s'apprivoiser.  Aujourd'hui,
       
   101     prenant soin d'un jardin mûrissant, nous étions deux sur sa toile
       
   102     où la peinture fraîche se mêlait aux vieilles couleurs.</para>
       
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