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     4 <story id="marche" lang="fr">
       
     5   <docinfo>
       
     6     <title>La vie en marche</title>
       
     7     <author>
       
     8       <firstname>Fabien</firstname>
       
     9       <surname>Niñoles</surname>
       
    10       <email>fabien@tzone.org</email>
       
    11     </author>
       
    12     <copyright>
       
    13       <year>1994</year>
       
    14     </copyright>
       
    15   </docinfo>
       
    16   <title>La vie en marche</title>
       
    17 
       
    18   <nda>
       
    19     <para>Bon, avant que vous me le demandiez, la nouvelle se passe
       
    20       sur la rue St-Hubert, en descendant du cégep Ahuntsic jusqu'au
       
    21       pont qui relie le boulevard des Laurentides à Laval et la rue
       
    22       Lajeunesse à Montréal.</para>
       
    23 
       
    24     <para>J'ai écrit cette nouvelle pour la première parution du
       
    25       journal du département des Lettres du cégep Ahuntsic en avril ou
       
    26       mai 1994.  Tout comme vous, probablement, j'ignorais jusqu'au
       
    27       dernier moment ce qui allait arriver au héros.</para>
       
    28   </nda>
       
    29 
       
    30   <para>Mercredi midi, après les cours, le soleil rayonne à son plus
       
    31     fort dans ces douces journées de mai.  Quelques nuages, voyageurs
       
    32     éparses de nos cieux, parcourent de leurs yeux de brumes les
       
    33     allées et venues de la cité.  Sac sur le dos, l'esprit libéré des
       
    34     tensions de la vie, je regarde les gens.  Mon pas flânant se
       
    35     répercute dans sa course éperdue en contrepoint avec la symphonie
       
    36     urbaine.  "Les gens ont du temps à perdre", me dis-je.  Oh oui!
       
    37     qu'ils doivent en avoir du temps à perdre comme j'en ai longtemps
       
    38     perdu.  Des temps de soleil ou de pluie, des temps pour respirer
       
    39     et vivre.  J'ai couru moi aussi, pensant que c'était du temps
       
    40     gagné.  Ah! Que de différences avec l'allure adoptée qui laisse
       
    41     enfin le temps aux rayons de l'astre divin pour nous rattraper de
       
    42     sa jeune chaleur d'été.</para>
       
    43 
       
    44   <para>Tranquillement, les lignes du trottoir défilent telles les
       
    45     traverses d'un chemin de fer me guidant loin de chez moi, vers
       
    46     l'Aventure de l'Ouest et les Grandes Ruées.  J'oublie le temps,
       
    47     j'oublie l'histoire et l'avenir, je ne garde que le moment.  Mes
       
    48     yeux quittent les brumes trop rapides des rues pour se maintenir
       
    49     sur le défilement verdoyant de mes frères plus âgées qui ont
       
    50     compris depuis longtemps que la vitesse ne fait que comprimer le
       
    51     temps, et que cela n'a rien à voir avec toutes les grandes
       
    52     théories de notre époque.</para>
       
    53 
       
    54   <para>Un feu, la circulation automobile s'arrête pour aller plus
       
    55     vite.  La sonnerie stridente d'un cellulaire, chef d'oeuvre de
       
    56     notre civilisation de surhommes à mallette pour qui la vie est une
       
    57     affaire à négocier au plus vite, me rappelle comment l'évolution
       
    58     du travail à libérer l'homme de son bureau pour mieux s'infiltrer
       
    59     chez lui, dans son intimité et ses loisirs.  Encore une fois,
       
    60     c'est pour gagner du temps, du temps pour de l'argent mais pas
       
    61     pour les gens.  C'est de l'économie de bouts de chandelles que
       
    62     l'on brûle par les deux bouts.  Alors que le feu passe au vert, je
       
    63     continue ma marche salutaire, détournant mes pensées de ce méandre
       
    64     de klaxons impatients.</para>
       
    65 
       
    66   <para>J'ai troqué le trottoir pour le sentier asphalté, mes yeux ne
       
    67     se détournent plus de la rivière.  Je la suis à l'encontre de son
       
    68     courant, eaux libres et claires, chantant leur joie, le bris
       
    69     encore récent il me semble - ai-je vraiment perdu tout ce temps?
       
    70     - de leur prison hivernale.  Et elles transportent sur leur dos
       
    71     large, brodé de dentelles blanches au dessin de chevauchées
       
    72     fantasques, les débris de la société qui la borde, société à
       
    73     laquelle elle a donné vie, force et moyens, et qui menace
       
    74     maintenant de la détruire par ses abus.  C'est vers cette mère
       
    75     bienfaitrice que je me dirige, pour demander un nouveau service à
       
    76     celle qui se meurt déjà, pour me débarrasser du trop lourd poids
       
    77     qui pèse sur mes épaules.</para>
       
    78 
       
    79   <para>Le pont est là, devant moi, et je commence à monter sa légère
       
    80     pente.  Je ne peux empêcher mes pas d'accélérer comme auparavant
       
    81     lorsque j'étais pressé par les horaires.  Mais cette fois, c'est
       
    82     la légèreté qui les porte et non le stress de mon ancienne vie.
       
    83     Je soupèse mon sac et un sourire bête d'original s'inscrit sur mon
       
    84     visage alors que, à mesure que je m'élève au-dessus de mon reflet,
       
    85     j'imagine cruellement la chute vers l'amnésie froide de ses
       
    86     bras.</para>
       
    87 
       
    88   <para>M'y voilà au-dessus de cette envolée libre d'écume brunâtre.
       
    89     Écume libératrice, cercueil de ce qui sera ma dernière chaîne dans
       
    90     ma vie de cégépien.  Deux années de bouquins emmagasinées dans un
       
    91     simple sac, assez de poids pour l'entraîner dans les limbes
       
    92     aqueuses de la rivière.</para>
       
    93 
       
    94   <para>Voici la chute.  C'est comme un doux vol d'oiseaux blancs, des
       
    95     outardes qui annonceraient la fin d'un printemps boueux, le début
       
    96     d'un nouvel été libérateur.  Et je suis l'un de ces oiseaux,
       
    97     libéré de mes études, de mes travaux, de cette vie minable de gens
       
    98     pressés qui manquent de temps, qui perdent leur temps.  Et mon
       
    99     regard plonge vers ces eaux agitées, libre, enfin libre.</para>
       
   100 
       
   101   <para>Mes épaules sont légères et mon esprit rêveur délivré.  Je
       
   102     n'entends rien, même plus la circulation automobile sur le pont, à
       
   103     mes cotés.  Quelques feuilles virevoltent encore, témoins du
       
   104     dernier sacrifice que la Dame bleue a fait pour m'aider.  Mon sac
       
   105     vide sur l'épaule, je redescends, ne quittant pas des yeux le
       
   106     nouvel horizon qui s'ouvre devant moi.  J'ai fini le cégep, vive
       
   107     les vacances!</para>
       
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