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author Fabien Ninoles <fabien@tzone.org>
Fri, 08 Jul 2016 21:42:37 -0400
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Ajout de Mais où vous aurais-je déjà vu.

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  <docinfo>
    <title>Le désert blanc</title>
    <date>3 avril 2003</date>
    <author>
      <firstname>Fabien</firstname>
      <surname>Niñoles</surname>
      <email>fabien@tzone.org</email>
    </author>
    <copyright>
      <year>2003</year>
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        <firstname>Fabien</firstname>
        <surname>Niñoles</surname>
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    </copyright>
  </docinfo>
  
  <poem>
    <title>Le désert blanc</title>

    <para>Dans le désert blanc de mes mots brille une lune noire
      couverte d'étoiles filantes.  Sa longue chevelure coule comme un
      ruisseau de miel et d'or dans les canyons profonds de la Voie
      Lactée.  Je marche mot à mot sans penser à l'assèchement de
      l'encre de mon stylo.  Quel mirage tente-je d'atteindre?  Quel
      rêve particulier cours-je après?  Ne sais-je point.</para>

    <para>La grammaire hésite un peu.  Du point ou de la virgule, elle
      ne sait quel rythme choisir.  Malgré son pas un peu lourd, elle
      a su garder la grâce et l'harmonie complexe qui fit sa
      popularité.  N'a-t-elle point garder la magnifique clarté de ses
      ancêtres?  Presque.  Elle le porte encore en elle bien que son
      vocabulaire se soit essoufflé, battu par les vents de la
      facilité et de la normalisation rigide.</para>

    <para>Tiens, en voilà une ligne étrange.  La plume dégoulinante la
      frôle légèrement, tâtonnante, cherchant sur elle un appui
      presque imaginaire.  Que vient-elle faire ici?  Est-ce bien sa
      place?  Au milieu de toutes les autres, on a peine à la
      distinguer.  Pourtant, du moment qu'on s'approche d'elle, qu'on
      prend la peine de l'observer, de la pincer, de l'écouter, on
      s'aperçoit rapidement qu'elle est différente.</para>

    <para>Ce doit être une ligne de portée qui n'a pas trouvé d'emploi
      dans une partition quelconque.  Ou encore une ligne de danse,
      oubliée au profit d'une ligne comptable, totalisant un budget
      équilibré autour de rien, du vide, de zéro.  Peut-être aussi une
      ligne à pêche?  Quel pêcheur qui, pour le plaisir ou le métier,
      a pu oublier ainsi sa ligne dans les pages d'un cahier?  Ou
      bien, c'est peut-être une de ces horribles lignes de
      démarcation, qui marquent les frontières entre des peuples qui
      ne sauront jamais qu'elles pourraient être franchies sans
      danger.</para>

    <para>Les lignes sont importantes aux humains.  Il y en a partout.
      Elles sont la marque de frontières qui contiennent, de
      séparations qui délimitent, de guides qui restreignent.  Elles
      sont aussi des directions qui conduisent, des liens qui
      harmonisent, des emmêlements qui, sous la forme d'une note,
      d'une écriture ou d'un dessin, évoque, mystifie, émerveille,
      effraie, enseigne, surprend, interroge, encourage, soutient,
      comprend, consulte, bref, communique entre deux personnes qui
      peut-être jamais ne se rencontreront.</para>

    <para>La ligne, dans notre monde à quatre dimensions, avec notre
      perception à trois dimensions, sur un médium à deux dimensions,
      voici la ligne: petit être à l'unique dimension avec lequel tant
      fut transmis!  Qu'en serait-il si nous avions pu la maîtriser
      dans les dimensions supérieures tant de fois supérieures?
      Qu'aurions-nous pu encore communiquer?  Faut-il que notre esprit
      soit si limité pour n'être capable de communiquer que faits qui
      peuvent se réduire à cette unique dimension?  À ce système somme
      toute binaire d'informations?</para>

    <para>C'est avec un point lasse que je reprends ma marche dans le
      désert de cette page blanche.  N'y a-t-il point d'oasis dans
      laquelle je pourrai à nouveau tremper ma plume?  Et pour qui?
      Pourquoi cette marche forcée?  La conviction présente
      sera-t-elle suffisante pour rejoindre les mirages qui se
      dessinent devant moi?  Au fond de moi, mon âme entière me
      réclame un acte de foi, mais envers qui?  Envers moi, envers ma
      capacité à traverser ce désert sans embûche, ou plutôt malgré
      ses embûches, ses pièges, ses tentations paresseuses d'abandon,
      d'arrêt.</para>

    <para>La dune invite à se laisser rouler, à descendre son flanc
      jusqu'au creux froid de son corps arrondi.  Mon regard se tourne
      vers la lune noire aux cheveux de miel.  Comme je m'étendrais
      sur le sable du temps à t'admirer, mon impossible amour.  Tu
      resteras là, aussi loin de moi que tu l'as toujours été.  Je
      resterai là, aussi loin de moi que je l'ai toujours été.  Oui,
      loin de moi, car depuis toujours, mon cœur, mon âme, mon cri
      reste avec toi, et sans toi, je ne suis plus que la moitié de
      moi-même.</para>

    <para>C'est donc avec une certaine nostalgie que je plante à
      nouveau ma plume sur cette page blanche et que je trace, trait
      par trait, lettre à lettre, mot à mot, phrase à phrase,
      paragraphe à paragraphe, jour après jour, semaine après semaine,
      mon chemin vers toi, vers moi, vers notre rencontre finale et
      depuis si longtemps espérée.</para>

  </poem>
  <nda>
    <title>Le désert blanc (note de l'auteur)</title>
    
    <para>Cette prose a été écrite dans mon journal, un jour.  Une
      forme d'écriture automatique, sans être vraiment de la transe ou
      un complet relâchement de l'esprit.  Mais le texte est là,
      remplit d'une étrange métaphore, symbole autant de ma relation
      avec l'écriture, avec la société, mais aussi avec moi-même, avec
      mes rêves.  Bref, métaphore de ma propre relation avec la vie au
      milieu d'une période très sombre où j'en avais bien
      besoin.</para>
  </nda>
</poetry>