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     2 <!DOCTYPE story PUBLIC "-//Fabien Ninoles//DTD Story XML V1.0//EN" 
       
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     4 <story id="yeux" lang="fr">
       
     5     <docinfo>
       
     6     <title>Les yeux</title>
       
     7     <author>
       
     8       <firstname>Fabien</firstname>
       
     9       <surname>Niñoles</surname>
       
    10       <email>fabien@tzone.org</email>
       
    11     </author>
       
    12     <copyright>
       
    13       <year>1994</year>
       
    14     </copyright>
       
    15   </docinfo>
       
    16   <title>Les yeux</title>
       
    17   <nda>
       
    18     <para>Cette nouvelle est celle qui remporta la première place lors
       
    19       du concours <emphasis>Écritures Ahuntsic</emphasis> édition
       
    20       1993-1994. Je l'ai toutefois écrite en secondaire IV ou V, soit
       
    21       trois ans plus tôt pour un travail de français.  Comme quoi les
       
    22       travaux scolaires peuvent rapporter.</para>
       
    23   </nda>
       
    24   <section>
       
    25     <poem>
       
    26       <strophe>
       
    27         <verse>Je t'ai vue un instant, et dans mes yeux, flottante,</verse>
       
    28         <verse>l'image de tes yeux est demeurée,</verse>
       
    29         <verse>comme une tâche sombre ourlée de feu</verse>
       
    30         <verse>flotte et aveugle qui regarde le soleil.</verse>
       
    31       </strophe>
       
    32       <strophe>
       
    33         <verse>Partout où mon regard se fixe</verse>
       
    34         <verse>Je vois flamboyer leurs pupilles,</verse>
       
    35         <verse>mais ne te trouve pas toi-même :</verse>
       
    36         <verse>des yeux, les tiens, et plus rien d'autre.</verse>
       
    37       </strophe>
       
    38       <strophe>
       
    39         <verse>Dans l'angle de ma chambre je les vois :</verse>
       
    40         <verse>ils luisent seuls, fantastiques.</verse>
       
    41         <verse>Je les sens qui planent dans mon sommeil,</verse>
       
    42         <verse>Tout grand ouvert sur moi.</verse>
       
    43       </strophe>
       
    44       <strophe>
       
    45         <verse>Je sais que dans la nuit des feux follets</verse>
       
    46         <verse>conduisent à leur perte des voyageurs;</verse>
       
    47         <verse>or je me sens par tes yeux entraîné</verse>
       
    48         <verse>mais je ne sais où ils m'entraînent.</verse>
       
    49       </strophe>
       
    50       <author>
       
    51         <firstname>Gustavo-Adolfo</firstname>
       
    52         <surname>Becquer</surname>
       
    53       </author>
       
    54     </poem>
       
    55   </section>
       
    56   <section>
       
    57     <citation>
       
    58       <para>Des yeux, les tiens, et plus rien d'autre.</para>
       
    59       <author>
       
    60         <firstname>Gustavo-Adolfo</firstname>
       
    61         <surname>Becquer</surname>
       
    62       </author>
       
    63     </citation>
       
    64     <para>Ses talons marquaient le rythme de ses pas sur les dalles
       
    65       mouillées du trottoir.  Une pluie légère, glacée par le vent
       
    66       froid de décembre ruisselait sur son vieil imperméable alors que
       
    67       ses cheveux sombres, un peu trop long au goût des "hommes de
       
    68       société", défiaient le vent et s'amusaient avec lui.  Les
       
    69       immeubles du quartier, inhabités, délabrés avec leur rénovations
       
    70       inachevées, fixaient la rue de leurs grandes fenêtres
       
    71       dépouillées.  Le regard lourd de tracas, Drouin se dirigeait
       
    72       vers le café <emphasis>Shadow</emphasis> pour y prendre un verre
       
    73       et y trouver peut-être l'inspiration manquante. "Demain, ce sera
       
    74       ma dernière chance" rumina-t-il. Oui, c'était sa dernière chance
       
    75       pour envoyer un texte chez son éditeur.  Si ce dernier
       
    76       l'acceptait, il recevrait assez d'argent pour payer sa chambre
       
    77       et se nourrir durant un autre mois, en attendant la réédition du
       
    78       mensuel.  Mais seulement si ce dernier l'acceptait.  Cela
       
    79       faisait trois mois qu'il n'avait pas réussi à créer quelque
       
    80       chose de nouveau.  Ni poèmes, ni nouvelles, aussi petits
       
    81       soient-ils.  Comme si en dix ans de métier, dix ans de dévotion
       
    82       à une muse aussi capricieuse que le temps, il avait totalement
       
    83       épuisé le sol de son imaginaire.</para>
       
    84 
       
    85     <para>Un lampadaire clignotait sur les flaques d'eau devant le
       
    86       café.  Dans l'une d'elles, colorée par l'huile d'une vieille
       
    87       auto, on pouvait voir le reflet inversé du néon rose annonçant
       
    88       le café <emphasis>Shadow</emphasis>.  C'était l'unique enseigne
       
    89       du café et elle brillait au-dessus de la porte couverte de logos
       
    90       de cartes de crédit.  Souvent, lorsque la nudité de son petit
       
    91       appartement commençait à l'effrayer, Drouin aimait bien aller y
       
    92       prendre un verre.  L'atmosphère chaude, alourdie par la fumée et
       
    93       le manque d'aération de l'endroit, rappelait celle de ces vieux
       
    94       films policiers que Drouin savourait comme un vieux cognac.  Le
       
    95       café <emphasis>Shadow</emphasis> était un café pour amateurs.
       
    96       Il était possible d'y réduire substantiellement le prix de ses
       
    97       consommations en y présentant un bon numéro.  Parfois même, le
       
    98       gérant offrait la tournée à l'artiste si le spectacle était
       
    99       particulièrement réussi.  Cela lui était déjà arrivé quelques
       
   100       fois auparavant.  Mais plus maintenant, plus depuis trois mois.
       
   101       Ce soir, comme presque chaque soir depuis septembre, il irait
       
   102       réciter un de ses vieux poèmes que tout le monde avait oublié,
       
   103       excepté peut-être Tommy, le pianiste du café.</para>
       
   104   </section>
       
   105   <section>
       
   106     <para>Drouin entra, faisant tinter les clochettes suspendues
       
   107       derrière la porte.  Il écarta l'épais rideau pourpre qui
       
   108       séparait la salle du vestibule et alla s'asseoir à une table
       
   109       reculée.  Sur la scène, une jeune femme chantait une ballade aux
       
   110       accents de <foreign lang="en">blues</foreign>, espérant
       
   111       peut-être qu'un imprésario l'entende et décide de s'occuper de
       
   112       sa carrière.  Sa voix résonnait encore de l'espoir d'un succès
       
   113       facile et glorieux, rêverie des débutants.  Sa jeunesse la
       
   114       supportait encore dans ce milieu dur et implacable.</para>
       
   115 
       
   116     <para>La salle était plongée dans l'ombre, comme on pouvait s'y
       
   117       attendre dans un tel endroit.  Parfois, une chandelle brûlait
       
   118       sur une table, entre deux amoureux, ou devant le verre d'une
       
   119       personne seule qui berçait sa nostalgie sur la voie de la
       
   120       chanteuse.  À une autre table, deux hommes en habits sombres
       
   121       discutaient avec une femme habillée tout aussi sévèrement,
       
   122       désignant de temps en temps la scène de leurs regards.  La jeune
       
   123       chanteuse termina sa ballade et, après un court silence, la
       
   124       salle applaudit poliment.  Drouin se leva pour prendre son tour
       
   125       et remarqua qu'un des hommes ainsi que la femme s'étaient levés.
       
   126       Tandis que cette dernière se dirigeait vers le bar, l'homme s'en
       
   127       alla chercher la chanteuse pour l'inviter à leur table.
       
   128       Peut-être, après tout, aurait-elle sa chance comme lui-même
       
   129       l'avait eue, dix ans plus tôt?</para> 
       
   130 
       
   131     <para>Tommy était parti prendre un verre.  À son retour, Drouin
       
   132       annonça qu'il voulait un accompagnement doux et tranquille pour
       
   133       un poème en alexandrins.  Tommy comprit ce qu'il voulait et
       
   134       reprit une gorgée de son verre.  Drouin s'avança sur la scène et
       
   135       remarqua que la conversation entre la jeune femme et les deux
       
   136       "hommes d'affaires" semblait s'animer.  Subitement, la chanteuse
       
   137       se leva, renversa un verre de bière sur un de ses voisins de
       
   138       table et partit précipitamment.  "Il y a des propositions qui
       
   139       restent inacceptables, même pour débuter sa carrière" pensa
       
   140       Drouin, amusé par l'embarras des deux comparses alors que
       
   141       l'autre dame leur jetait un regard courroucé et tentait de
       
   142       rejoindre la jeune femme.  Il s'installa devant le micro et
       
   143       laissa sa vue s'habituer progressivement au projecteur braqué
       
   144       sur lui.  Il fit alors signe à Tommy de commencer.</para>
       
   145   </section>
       
   146   <section>
       
   147     <para>C'est à ce moment qu'il la remarqua.  Elle était assise
       
   148       derrière les deux hommes.  Seule.  Discrète.  Belle...  Il n'y
       
   149       avait que la faible lueur d'une chandelle voisine pour éclairer
       
   150       son doux visage.  Sa blouse blanche reposait sur de fines
       
   151       épaules et son col se détachait sur un cou gracieux entouré de
       
   152       longs cheveux sombres.  Sa peau était claire, d'une blancheur
       
   153       d'albâtre, et la bouche aussi fine que le nez.  Mais ce qui
       
   154       l'impressionna le plus, c'était ses yeux.  De grands yeux
       
   155       clairs, flamboyants.  Drouin sentit monter en lui l'envie de
       
   156       plonger dans l'enfer de ces yeux qui le fixaient, de se perdre
       
   157       dans le puits noir des pupilles qui reflétaient son propre
       
   158       regard.  Et il s'y perdit effectivement.  Le piano fit sonner
       
   159       ses premiers accords mais pour Drouin, il n'y avait que ces yeux
       
   160       remplis de toutes les étoiles du firmament.  Et la musique en
       
   161       faisait partie, comme une servante dévouée à l'intensité de ce
       
   162       regard.  Elle venait d'un grand vaisseau voguant sur la crête de
       
   163       la Voie Lacté, entre deux Univers.</para>
       
   164 
       
   165     <para>Discrètement, sa muse lui était revenue.  Il s'était mis à
       
   166       réciter des vers nouveaux, des vers tels qu'il n'en avait jamais
       
   167       écrits ni lus.  Mais Drouin n'était plus sur la scène.  Il était
       
   168       quelque part entre le gouffre qui mène au Paradis et le trou
       
   169       noir qui mènent là où naissent les étoiles, toujours dans les
       
   170       yeux de la dame. Les vers se succédèrent, tous magnifiques,
       
   171       versant leurs images, leurs symboles, montant dans un grand
       
   172       crescendo, pour enfin finir tout doucement comme le souffle
       
   173       d'une brise.  Il y eut un bref silence.  Puis quelqu'un se leva
       
   174       et applaudit.  Et la salle lui fit une ovation.  Un homme
       
   175       accosta la dame et l'emmena vers la sortie.  Drouin revint
       
   176       brusquement à la réalité.  Michel, le gérant de l'établissement,
       
   177       venait d'offrir une tournée générale à toute la salle!  Mais
       
   178       Drouin ne s'en occupa point et se précipita vers la porte pour
       
   179       suivre la dame aux yeux si beaux.</para>
       
   180 
       
   181     <para>Dehors, la bruine s'était arrêtée. Une voiture grise passa
       
   182       devant le café et tourna au coin de la rue.  Peut-être était-ce
       
   183       celle de la dame?  Il n'en savait rien et décida de rentrer chez
       
   184       lui sans détour.  Rendu à sa chambre, il s'installa à son
       
   185       pupitre, face à la fenêtre qui s'ouvrait sur la nuit lumineuse
       
   186       des villes, prit la plume qui l'avait si longtemps accompagné,
       
   187       et écrivit les vers qui allaient le rendre célèbre.</para>
       
   188   </section>
       
   189   <section>
       
   190     <para>Quelques jours plus tard, Paul Drouin avait enfin un nom, un
       
   191       vrai.  Les critiques parlaient de lui comme d'un génie de l'art
       
   192       littéraire, un maître de l'art poétique.  On allait rééditer
       
   193       cinq mille exemplaires de son dernier recueil.  Il avait aussi
       
   194       reçu une fort jolie somme en avance grâce à laquelle il avait pu
       
   195       payer sa chambre pour les trois prochains mois et rembourser ses
       
   196       quelques dettes.  Mais la célébrité n'intéressait plus vraiment
       
   197       Drouin.  À son retour de la maison d'édition, la veille, il
       
   198       était passé à nouveau par le café <emphasis>Shadow</emphasis>,
       
   199       souhaitant y reconnaître la dame et ses yeux si tendres.  À un
       
   200       certain moment, il avait bien cru entrevoir son regard dans un
       
   201       recoin.  Mais lorsqu'il s'y était rendu, il n'y avait trouvé
       
   202       personne.  Il était alors rentré chez lui et avait écrit une
       
   203       dizaine de nouveaux poèmes, de nouvelles strophes qui aideraient
       
   204       à remplir d'adjectifs pompeux et empesés les pages des
       
   205       critiques.  Mais tout ceci ne préoccupait plus Drouin.</para>
       
   206 
       
   207     <para>Ces dernières nuits n'avaient pas été reposantes.  Les yeux
       
   208       le hantaient de plus en plus, dérangeant son sommeil, ses rêves.
       
   209       Il était sûr de n'avoir pas dormi du tout la nuit précédente.
       
   210       Les yeux étaient là, flottant au-dessus de lui, braises ardentes
       
   211       le fixant, le charmant de l'idée obsédante d'un long voyage.
       
   212       Ils étaient partout, intarissables messagers venus d'ailleurs,
       
   213       lui demandant de les rejoindre, de les suivre pour de bon vers
       
   214       un marécage céleste, quelque part près des étoiles.  Cela le
       
   215       troublait, le laissait aussi impuissant qu'un voyageur perdu
       
   216       face aux feux follets.</para>
       
   217   </section>
       
   218   <section>
       
   219     <para>Les yeux l'avaient suivi toute la journée.  Il les voyait
       
   220       partout, dans les miroirs et les vitrines, dans chaque recoin et
       
   221       à chaque détour.  Il les voyait partout, et toujours ils lui
       
   222       disaient la même chose, toujours ils l'invitaient à les
       
   223       suivre.</para>
       
   224 
       
   225     <para>Drouin se rendit au petit café.  Il s'assit et commanda.
       
   226       "Du fort s'il te plaît, n'importe quoi mais du très fort"
       
   227       demanda-t-il, appuyant sur les derniers mots.  Déjà, les yeux
       
   228       l'assaillaient de toutes part.  Il but d'un trait le verre qu'on
       
   229       lui servit et la boisson lui brûla la gorge.  "La bouteille!"
       
   230       cria-t-il, déjà légèrement grisé par la fatigue et l'alcool,
       
   231       auquel il n'était pas habitué.  Les yeux continuaient de le
       
   232       fixer, curieux de ses manières, invitant dans les leurs.  La
       
   233       liqueur arriva et il cala un deuxième verre.  Les yeux le
       
   234       regardaient d'un coin de la salle, tranquille dans leur rigidité
       
   235       hypnotique.  Un autre verre jeté au fond du gosier et les yeux
       
   236       le fixaient au travers d'une fenêtre.  Hop! et hop! deux autres
       
   237       verres.  Les yeux l'invitaient de derrière un rideau, dissimulés
       
   238       mais toujours aussi intances.  Encore un verre et une longue
       
   239       rasade.  Les yeux le séduisaient par delà un miroir.  Il fit cul
       
   240       sec et vida sa bouteille.  Les yeux l'avaient pris totalement à
       
   241       travers le fond cristallin de son verre.</para>
       
   242 
       
   243     <para>Sa volonté, affaiblie par l'alcool, se laissa porter par les
       
   244       courants de l'espace nu qui étaient au fond des yeux.  Il
       
   245       traversa le feu phosphorescent de l'iris, frontière du trou noir
       
   246       où il se rendait, là où naissent les étoiles.  Des myriades
       
   247       d'étoiles, autant de petites lumières pâles, clignotantes,
       
   248       devenant de par leur nombre une seule et grande lumière, si
       
   249       blanche et si brillante qu'elle éclairait à elle seule toutes
       
   250       les ténèbres, toutes les noirceurs, tous les mensonges.  Une
       
   251       lumière si pure qu'elle effaçait toutes les ombres pour ne
       
   252       laisser voir que...  la vérité.</para>
       
   253   </section>
       
   254   <section>
       
   255     <para>Drouin reprit ses esprits, soudainement dégrisé par ce qu'il
       
   256       venait de voir.  Il se leva d'un bond et partit d'un pas rapide.
       
   257       Ce long voyage n'avait duré qu'un temps mais il n'en avait plus
       
   258       à perdre.  Dans la rue, il ne put s'empêcher de courir comme un
       
   259       fou qui croit que la mort est sur ses talons.  Il savait qu'il
       
   260       n'en avait pas pour longtemps, que les yeux reviendraient le
       
   261       chercher une ultime fois, sans retour.  Il espérait ce moment
       
   262       presqu'autant qu'il le craignait.  Mais l'écriture avait été
       
   263       toute sa vie et il devait écrire, ne serait-ce qu'une dernière
       
   264       fois, avant d'aller se reposer à jamais.  Drouin savait quoi
       
   265       écrire.  Il connaissait ce marécage céleste, il savait ce
       
   266       qu'étaient ses yeux de feux, ce feu, et surtout il savait qu'il
       
   267       ne pourrait pas s'en sortir.</para>
       
   268 
       
   269     <para>Rendu à son pupitre, Drouin prit sa plume et se mit à écrire
       
   270       ardemment.  Il ne se risqua pas à regarder les étoiles, il
       
   271       savait qu'ils prenaient possession de son firmament, de sa
       
   272       ville, de ses murs, de sa chambre.  Il ne restait que lui, son
       
   273       pupitre, sa plume et son écriture.  Alors lentement,
       
   274       irrémédiablement, les yeux prirent son pupitre; mais les
       
   275       feuilles continuaient d'être soutenues et Drouin écrivait
       
   276       toujours.  Ils prirent sa plume; mais même sans elle, Drouin
       
   277       continuait d'écrire.  Ils prirent sa feuille et son écriture
       
   278       mais Drouin continuait d'écrire sans voir ce qu'il écrivait.
       
   279       Ils voulurent alors prendre son esprit.  Drouin lutta, il
       
   280       voulait, il désirait à tout prix terminer son poème.  Les yeux
       
   281       prirent son passé, ses souvenirs et Drouin écrivait.  Ils lui
       
   282       prirent ce qu'il savait, ce qu'il aimait et Drouin écrivait.
       
   283       Puis ils prirent son nom et ce qu'il était.  Il ne lui restait
       
   284       plus que son dernier poème et déjà les premiers vers
       
   285       disparaissaient.  Il devait finir ce poème mais les mots
       
   286       s'envolaient un à un face à la disparition de sa volonté.  Il
       
   287       devait le finir, il devait, il...</para>
       
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